La subjectivité du péché

Dois-je confesser tous mes péchés ? Si le péché est une vérité absolue définie par l’Eglise, peut-on être chrétien catholique tout en restant pécheur ? Jeune catholique non marié, j’ai  des relations sexuelles, j’ai recours à la contraception et il m’arrive de me masturber. Je comprends tout à fait la position de l’Eglise sur ces questions mais parallèlement je ne pense pas que cela me sépare de Dieu (ni ne l’offense puisque cela se fait entre adultes consentants) et donc je ne sens pas de culpabilité face à ces péchés. Et sans culpabilité et repentir, il ne peut y avoir de pardon.  Suis-je donc voué à être en péché mortel pour toujours ?

Homme, 25 ans

   Il y a différents aspects dans votre question, qu’il faudrait bien sûr développer indépendamment les uns des autres : pourquoi faut-il confesser tous ses péchés ? Un chrétien est-il celui qui ne commet aucun péché ? Comment se défaire de vices ou de mauvaises habitudes, surtout en matière de sexualité ? etc…

   Je vais néanmoins m’en tenir ici à traiter d’un seul point, qui me semble central dans ce que vous exprimez : la question de la subjectivité du péché. « Je ne sens pas de culpabilité ni de repentir face à mes péchés, dites-vous, car commettre un péché entre adultes consentants ne me semble pas offenser Dieu ».

   Mais est-ce le sentiment de la culpabilité qui constitue le mal ? Est-ce parce que je souffre des conséquences d’un acte, parce que ma conscience me reproche de l’avoir commis, qui fait que cet acte est un péché ? Précisément, non. Ce serait là une vision très subjective, égoïste, individualiste du bien et du mal. Si l’on suivait cette logique, il n’y aurait au final plus du tout de mal, puisque chacun pourrait invoquer pour se justifier son absence de culpabilité ou de repentir… on tomberait dans le pur relativisme, puisqu’alors chacun pourrait déterminer ce qui est bien et ce qui est mal, pour lui-même, selon ses propres impressions, ses intérêts et ses sentiments du moment. C’est d’ailleurs bien là une caractéristique du monde moderne, qui privilégie l’individu et ses convictions subjectives, au détriment de la vérité et de l’objectivité des valeurs morales.

   Car si l’on réfléchit, une valeur morale (le fait qu’une chose soit bonne ou mauvaise) doit être nécessairement universelle et objective, extérieure et indépendante des individus, pour pouvoir être partagée, et même imposée dans certains cas par la société. Sinon elle n’est rien d’autre qu’une opinion personnelle, une appréciation, et ne peut jamais constituer un repère, une borne « morale » pouvant être considérée comme telle par l’ensemble des membres d’un groupe. Ce serait la fin même de toute vie en société, le règne de l’arbitraire ou de l’absurde, et finalement toujours le triomphe de l’immoralité et de l’injustice, car ce sont toujours les puissants qui imposent leurs intérêts aux plus faibles.

   Je vous invite d’ailleurs à une réflexion sur le péché : dans la Bible, le péché originel est décrit par le fameux épisode du fruit de l’arbre, mangé par Adam et Ève. Or, étonnamment, l’arbre en question est appelé dans la Genèse « l’arbre de la science du bien et du mal ». Et le démon, sous les traits du serpent, assure à nos premiers parents que s’ils mangent du fruit défendu, ils deviendront « comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Genèse, 3, 5). En d’autres termes, le péché consiste précisément à vouloir décider par soi-même ce qui est bien et ce qui est mal, au lieu d’accepter la loi divine : se faire dieu à la place de Dieu, prétendre établir les règles au lieu de s’y soumettre avec confiance et simplicité.

   Vivre en chrétien, au contraire, c’est comprendre que Dieu connaît et veut notre bien, comme un père veut le bien de ses enfants. Sa loi morale, loin de nous emprisonner ou de nous rendre malheureux, est au contraire précisément ce qui nous rend heureux… et libres ! Le péché est un esclavage – il nous enchaîne et nous rend tristes, dépendants de nos passions et de plaisirs jamais satisfaisants. La loi de Dieu, même si elle peut sembler difficile à suivre, est au contraire la voie vers le bien qui nous délivre, si l’on accepte de suivre le chemin que Dieu nous indique, comme un enfant suit son père avec confiance !