Les indulgences peuvent-elles nous préserver des maux ici-bas ?

J’ai lu sur un site catholique ceci : « Il est bien nécessaire de gagner des indulgences, si nous voulons nous préserver des maux d’ici-bas, tels que les maladies, les fléaux, et des peines du Purgatoire, qui surpassent tout ce que nous pouvons endurer sur la terre. »

Comment les indulgences peuvent-elles nous préserver des maux/maladies ici-bas ?

En effet, je connais de saintes personnes qui sont très malades pourtant. Je ne comprends pas le rapport avec les indulgences… Je pensais qu’elles nous préservaient des peines du Purgatoire uniquement.

Merci beaucoup de vos explications.

Femme, plus de 25 ans

   Bonjour Madame,

   C’est vous qui avez raison : les indulgences ne peuvent s’appliquer qu’aux défunts. Ce terme (en latin = indulgentia) est en effet réservé aux suffrages pour les défunts dans la tradition de l’Eglise telle que nous pouvons la lire dans les conciles, bulles, brefs pontificaux, décisions d’évêques, catéchismes, etc. Il n’y a aucun doute là-dessus. On peut se référer à l’actuel Catéchisme de l’Eglise catholique (n. 1032 sur les prières pour les défunts, puis nn. 1471 à 1479 sur les indulgences) qui cite les références de l’Ecriture sur cette question : Le livre de Tobie, celui de Job et le deuxième livre des Macchabées. La discipline actuelle des indulgences résulte d’un décret de la Pénitencerie Apostolique de 1999, laquelle a édité la même année le « Manuel des Indulgences » où celles-ci sont toutes répertoriées. On trouve ce livre facilement dans les librairies religieuses (par exemple sur le site du magasin La Procure à Paris).

   L’indulgence est la rémission devant Dieu de la « peine temporelle » due pour les péchés dont la faute est déjà effacée. C’est donc une prière « par mode de suffrage », destinée uniquement à ceux qui ont été déjà jugés, c’est-à-dire à ceux qui ne peuvent plus acquérir de mérites puisque leur vie sur terre a cessé. Au moment de la crise de Luther, le pape a été obligé de rappeler que l’indulgence divine, en général, s’applique aussi bien aux vivants qu’aux morts, mais il a précisé en même temps que ce sont deux régimes différents : les vivants bénéficient de l’indulgence divine quand ils reçoivent l’absolution au moment du sacrement de pénitence, mais ils peuvent encore acquérir des mérites de Jésus-Christ durant leur vie terrestre. Par contre, en ce qui concerne chaque défunt, le jugement a été rendu définitivement et il ne peut plus acquérir de mérites. Le mot « indulgence » prend alors tout son sens et c’est uniquement dans ce cas qu’il faut l’employer tel que cela a toujours été fait.

   On pourrait objecter que la grâce divine, reçue dans l’absolution sacramentelle, suffit à effacer les péchés commis : pourquoi faudrait-il donc encore obtenir l’indulgence de Dieu, en plus de son pardon ? Et bien c’est parce le péché a en fait une double conséquence : non seulement il nous prive de l’amitié avec Dieu (c’est cette amitié qui est retrouvée par le pardon divin), mais il entraîne aussi un attachement malsain aux créatures ainsi qu’un désordre dans la société : c’est ce qu’on appelle la « peine temporelle » du péché. Et cette peine a besoin de purification pour disparaître : soit ici-bas, en supportant les souffrances et les épreuves de toutes sortes, en faisant des œuvres de miséricorde et de charité, ou en s’appliquant à la prière et aux pratiques de pénitence ; soit après la mort, au Purgatoire, par la purification divine dans l’âme du défunt, ou, précisément, grâce aux suffrages et aux indulgences reçues pour elle de la part des vivants.

   Toute cette « économie » du salut, ces relations spirituelles entre les âmes des vivants et des morts est très importante et très belle. C’est ce qu’on appelle la « communion des saints », par laquelle tous les membres du « Corps mystique » communiquent et communient entre eux : la sainteté de l’un profite aux autres, bien au-delà du dommage que le péché de l’un a pu causer aux autres. Le chrétien n’est pas seul dans sa relation à Dieu !

   C’est malheureusement un pan de la doctrine catholique qui est trop souvent passé sous silence : l’enseignement de l’Eglise sur les fins dernières a souvent disparu des homélies et même des cours de catéchisme, comme si parler de la mort et des morts devait être évité, alors qu’au contraire tout chrétien devrait sans cesse s’en préoccuper, et avec joie, puisqu’il s’agit de la vie éternelle à laquelle nous sommes tous appelés !